Le 14 avril 2025, le Conseil européen a validé le report de l’application de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). Cette mesure, surnommée « Stop-the-clock », donne le temps aux colégislateurs de débattre des nombreuses modifications proposées par la loi omnibus. Avenir de la CSRD, entreprises concernées : voici ce qu’il faut retenir et comment préparer son entreprise à ses futures obligations.
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Qu’est-ce que la loi omnibus ?
Lexique Hellio : loi omnibus
Dans le cadre de la législation européenne, une loi omnibus est une proposition visant à modifier plusieurs textes antérieurs. Elle peut prendre la forme d’un règlement européen ou d’une directive. Une loi omnibus européenne cherche généralement à simplifier, harmoniser ou adapter le cadre réglementaire pour répondre à des enjeux spécifiques. On parle parfois de loi omnibus pour désigner un train de mesures omnibus dans son ensemble, comme c’est le cas actuellement.
La loi omnibus est un train de mesures proposé par la Commission européenne le 26 février 2025. Elle vise à simplifier la législation de l’UE en matière de durabilité. L’objectif est d'améliorer la compétitivité des sociétés européennes en réduisant drastiquement les charges administratives, réglementaires et de déclaration des entreprises. Ce paquet omnibus est scindé en deux parties distinctes :
- Omnibus I, qui propose différentes mesures suspensives et modificatives des principaux textes du Green Deal.
- Omnibus II, qui propose d’amender plusieurs programmes d’investissement de l’UE, et notamment le règlement InvestEU.
En ce qui concerne la directive CSRD, c’est donc bien la partie « Omnibus I » du train de mesures à laquelle il faut s’intéresser.
Stop-the-clock : les vagues 2 et 3 de la CSRD reportées de 2 ans
L’INFO HELLIO
La directive omnibus « Stop-the-clock » reporte également de 1 an le délai de transposition et la première phase d’application de la directive CS3D. Pour rappel, ce texte concerne le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (Corporate Sustainability Due Diligence Directive).
Le 14 avril 2025, le Conseil européen a définitivement validé la directive (UE) 2025/794, surnommée directive « Stop-the-clock ». Intégrée au paquet Omnibus I, cette mesure reporte de 2 ans l’application de toutes les obligations de déclaration associées à la CSRD pour les entreprises :
- de « vague 2 » : il s’agit des grandes entreprises européennes qui devaient publier leur premier rapport de durabilité en 2026 (sur l’exercice 2025) ;
- de « vague 3 » : il s’agit des PME européennes cotées en bourse qui devaient publier leur premier rapport de durabilité en 2027 (sur l’exercice 2026).
Avec l’adoption de cette loi omnibus suspensive, le premier reporting des entreprises de vague 2 est repoussé à 2028 (sur l’exercice 2027). Les PME cotées en bourse devraient, elles, réaliser leur premier reporting en 2029 (sur l’exercice 2028).
L’objectif de la directive « Stop-the-clock » est de donner le temps aux colégislateurs de discuter des mesures modificatives du paquet Omnibus I. À ce stade, ces dates de premier reporting sont donc théoriques. À l’issue de l’étude des différentes propositions, il est possible que certaines entreprises des vagues 2 et 3 ne soient finalement plus concernées par la CSRD.
Quelles sont les principales modifications prévues pour la directive CSRD ?
Afin de simplifier la mise en œuvre de la directive CSRD par les entreprises, la loi omnibus propose de nombreuses modifications. Voici les principaux changements qui seront prochainement discutés par les colégislateurs.
Une réduction importante du nombre d’entreprises concernées par la directive CSRD
Dans le texte actuel de la CSRD, les grandes sociétés concernées sont celles qui dépassent deux des trois seuils suivants :
- Un total du bilan de 25 M€ ;
- Un chiffre d’affaires net de 50 M€ ;
- Un nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice de 250.
La CSRD s’applique aussi aux PME cotées sur un marché réglementé de l’UE. Or, l’une des propositions phares de la loi omnibus est de réduire drastiquement le champ d’application de la directive. Si cette mesure est adoptée, seules les grandes entreprises employant plus de 1 000 salariés devront publier leur rapport de durabilité. Il leur faudra également dépasser l’un des deux autres seuils actuels (25 M€ de bilan ou 50 M€ de CA) pour rentrer dans le champ d’application.
Avec cette mesure, toutes les grandes entreprises selon la définition de l’UE qui comptent moins de 1 000 salariés seraient maintenant épargnées de leur devoir de reporting. Les PME cotées seraient également exemptées de leur obligation de publier leur rapport de durabilité. Ce nouveau champ d’application serait ainsi davantage aligné sur les seuils clés de la CS3D.
LE CHIFFRE HELLIO : 80 %
Si cette proposition est votée, environ 80 % des entreprises actuelles concernées par la directive CSRD sortiraient de son champ d’application, d’après la Commission européenne.
Une limitation de l’effet de ruissellement du reporting de durabilité
En plus de réduire le champ d’application de la CSRD, la loi omnibus propose un plafonnement de l’effet de ruissellement sur la chaîne de valeur. En effet, les grandes entreprises concernées par la directive doivent demander de nombreuses informations aux sociétés avec lesquelles elles collaborent. Ces données sont indispensables pour répondre à leurs propres obligations de reporting. Ainsi, de nombreuses entreprises plus petites sont indirectement concernées par la CSRD.
La loi omnibus prévoit ainsi de limiter les informations que les banques et sociétés concernées par la directive peuvent demander à leurs entreprises partenaires. Pour encadrer les données concernées, la Commission adopterait via un acte délégué une norme d’information volontaire.
Cette dernière serait basée sur la norme volontaire VSME déjà élaborée par l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group). La norme révisée serait ainsi adaptée à toutes les sociétés de moins de 1 000 salariés. Elle réduirait le scope des informations pouvant être demandées à ces entreprises, mais leur permettrait aussi de poursuivre leur reporting de manière volontaire.
Une diminution considérable du nombre de points de données des normes ESRS
L’INFO HELLIO
En plus de demander la simplification des 12 normes ESRS tout-secteur, la Commission européenne a également abandonné son projet de normes sectorielles. Sans autre guide spécifique pour déterminer leurs enjeux significatifs, l’analyse de double matérialité sera donc cruciale pour toutes les entreprises des secteurs concernés.
Le train de mesures omnibus sur la durabilité comprend un engagement de la Commission visant à réviser les ESRS (European Sustainability Reporting Standards). Cette modification des normes européennes d’information en matière de durabilité concernerait d’abord les points de données liées à leurs exigences de publication. Ils seraient largement réduits, afin de conserver uniquement les datapoints les plus importants.
La Commission européenne souhaite également clarifier certaines dispositions des ESRS qu’elle juge trop confuses. Enfin, la loi omnibus vise à améliorer la cohérence des normes d’information en matière de durabilité avec d’autres actes législatifs.
Le 27 mars 2025, l’EFRAG a reçu un mandat spécifique de la part de la Commission européenne pour commencer ses travaux de simplification. L’organisation a depuis lancé un appel à contribution pour préparer son avis technique sur les modifications à apporter aux ESRS tout-secteur. L’EFRAG a jusqu’au 31 octobre 2025 pour donner ses conclusions.
Une suppression des normes d’assurance raisonnable pour la certification du rapport de durabilité
L’exigence d’assurance des informations en matière de durabilité est une grande évolution apportée par le texte original de la CSRD. Réalisé par un commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant (OTI), cet audit doit présenter un niveau d’assurance dit « limité ». Il était cependant prévu que le niveau de fiabilité attendu pour cette vérification puisse être rehaussé à l’avenir.
La Commission européenne avait ainsi la possibilité de proposer de passer à un niveau d’assurance dit « raisonnable ». La législation omnibus souhaite cependant revenir sur cette éventualité. En refusant de rendre les audits des rapports de durabilité plus exigeants, l’objectif est d’éviter toute augmentation des coûts d’assurance dans le futur.
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Quelles sont les autres modifications importantes proposées par la loi omnibus ?
L’ASTUCE HELLIO
Pour en savoir plus sur l’ensemble des propositions du train de mesures, il est possible de consulter la FAQ officielle de la loi omnibus.
En plus de la directive CSRD, la loi omnibus propose d’apporter des modifications à plusieurs législations européennes sur la durabilité. On peut notamment citer :
- un projet d’acte délégué modifiant les informations à publier en lien avec la taxonomie (parfois traduite « taxinomie »), ainsi que ses volets climatique et environnemental ;
- une proposition de règlement visant à modifier le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF/CBAM en anglais) ;
- une proposition de règlement modifiant le règlement InvestEU, dans le cadre d’Omnibus II.
La directive CS3D est également largement visée par la loi omnibus. Parmi les nombreuses modifications prévues, on peut citer l’alignement des exigences relatives à l’adoption d’un plan de transition relatif au climat sur celles de la CSRD. Cela constitue une importante diminution des ambitions de la CS3D. Si l’obligation d'adopter un plan de transition serait maintenue, sa mise en application effective deviendrait facultative.
Dans quel contexte s’inscrit le projet de simplification de la loi omnibus ?
La loi omnibus s’inscrit dans le cadre de la Boussole pour la compétitivité. Présentée par la Commission européenne en janvier 2025, cette nouvelle feuille de route vise à « rétablir le dynamisme de l’Europe et à stimuler sa croissance économique. » Elle fait notamment suite à deux rapports de 2024 :
- Much more than a market, le rapport d’Enrico Letta commandé par le Conseil européen et publié en avril 2024 ;
- L’avenir de la compétitivité européenne, le rapport de Mario Draghi commandé par la Commission européenne et publié le 9 septembre 2024.
Ces deux rapports ont notamment souligné la perte de compétitivité de l’Union européenne par rapport à d’autres acteurs internationaux, comme les États-Unis ou la Chine. En réponse aux défis recensés dans ces derniers, des travaux d’urgence ont débuté en octobre 2024. Le 8 novembre, la déclaration de Budapest appelle notamment à « lancer une révolution en matière de simplification ».
Ce premier paquet omnibus (Omnibus I et Omnibus II) constitue le premier outil pour parvenir aux objectifs de la Boussole pour la compétitivité. Parmi les justifications avancées pour la mise en place de la loi omnibus, la Commission insiste également sur le contexte européen et international difficile. La guerre en Ukraine, les tensions commerciales internationales ou encore l’augmentation du prix de l’énergie peuvent notamment être citées.
LE CHIFFRE HELLIO : 25 %
La Commission européenne vise à réduire d’au moins 25 % les charges administratives et d’au moins 35 % celles pesant sur les PME d’ici la fin de son mandat actuel.
Comment se préparer à la CSRD pour les entreprises de 2e et 3e vague ?
Simplification bienvenue ou abandon pure et simple des ambitions du Green Deal, le doute plane quant à l’impact réel qu’aura la loi omnibus. En effet, si le mécanisme « Stop-the-clock » a largement été adopté, les désaccords entre les colégislateurs sont nombreux sur les différentes mesures omnibus. En attendant que l’ensemble des propositions de Omnibus I soient débattues, les entreprises de vagues 2 et 3 peuvent cependant se préparer, malgré l’incertitude.
Pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, déjà bien avancées dans leurs préparatifs, les prochaines étapes consistent à :
- poursuivre la rédaction de leur rapport de durabilité en utilisant les ESRS actuels pour un premier reporting en 2028 ;
- continuer leur analyse de double matérialité, tout en privilégiant les points de données importants qui ne risquent pas d’être supprimés.
Les entreprises de moins de 1 000 salariés, davantage dans le flou, peuvent mettre en place les actions suivantes :
- poursuivre leur montée en expertise sur les ESRS actuelles et l’analyse de double matérialité ;
- se concentrer sur les points de données compris dans la norme VSME, qui constitueront probablement le strict minimum en matière de reporting ESG (environnement, social, gouvernance).
Pour conclure, toute entreprise concernée par le périmètre initial de la directive CSRD devrait rester vigilante sur l’évolution de la situation. Il est essentiel de se tenir continuellement informé de l’avancée des débats au sein de l’Union européenne. Au fur et à mesure que des propositions sont modifiées, adoptées ou abandonnées, il sera ainsi possible d’adapter sa stratégie.
En attendant, il est plus que conseillé de poursuivre ses efforts sur la base des textes actuels. Se concentrer sur les points de données importants qui risquent le moins d’être abandonnés est également une bonne stratégie. Il peut s’agir, par exemple, de réaliser le bilan carbone de sa société et de concevoir son plan de transition, pour le volet environnemental du rapport de durabilité.
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