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Le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 vient appliquer l'article 54 de la loi APER (accélération de production des énergies renouvelables) de mars 2023. Il apporte un cadre réglementaire pour le développement de l’agrivoltaïsme ainsi que du photovoltaïque au sol. Quelle définition officielle ? Quelles sont les conditions du décret agrivoltaïsme ? Quels contrôles et sanctions ? Nos experts en maîtrise de l’énergie vous expliquent tout sur ce nouveau décret.
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Au sommaire :
L’ESSENTIEL HELLIO :
- Les installations agrivoltaïques doivent préserver l’exploitation des terres agricoles
- Le développement de la filière nécessite une approche scientifique rigoureuse
- Le photovoltaïque au sol n’est possible que dans des espaces clairement définis
- Des contrôles seront effectués ainsi que des sanctions en cas de non-respect
Le décret sur l’agrivoltaïsme
Le décret du 8 avril 2024 vient définir et préciser la notion d'agrivoltaïsme :
- L’agrivoltaïsme, installation de panneaux photovoltaïques associée à une pratique agricole (culture ou élevage)
- Les centrales photovoltaïques au sol sur terrains agricoles, naturels ou forestiers (seulement dans des zones incultes ou non-cultivées)
La consultation publique relative au décret agrivoltaïsme a eu lieu entre le 15 mars 2024 et le 05 avril 2024.
« L’agrivoltaïsme avait besoin d’un cadre pour se développer dans le respect des pratiques agricoles : c’est l’objet de ce décret, qui fixe des principes clairs et protège davantage les espaces agricoles tout en ouvrant des opportunités pour la production d’énergie. » Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (communiqué de presse)
Quelles dates d’application pour chaque installation ?
Les dates d’application du décret dépendent du type d'installation :
- Installations agrivoltaïques dont la demande de permis ou la déclaration préalable et est déposée à compter du 9 mai 2024 (soit un mois après la date de publication du décret) ;
- Installations photovoltaïques au sol sur des terrains à vocation agricole, pastorale ou forestière (selon l'article L. 111-29 du code de l'urbanisme) dont la demande de permis ou la déclaration préalable est déposée à compter d'un mois après la publication du document-cadre départemental.
À ce sujet, les chambres départementales d’agriculture disposent d’un délai de 9 mois à partir de la publication du décret pour transmettre au préfet leur proposition de document-cadre (soit jusqu’au 9 janvier 2025).
Zoom sur l’agrivoltaïsme : la définition juridique
L’article L.314-36 du code de l’énergie propose une définition juridique de l’agrivoltaïsme « Une installation agrivoltaïque est une installation de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l'installation, au maintien ou au développement d'une production agricole ». On peut par exemple parler d’agrivoltaïsme pour l’installation de panneaux photovoltaïques sur des volières, des serres ainsi que des panneaux faisant office d’abri climatique.
Lexique
Le terme « agriculteur actif » concerne toute personne physique ou morale qui répond aux conditions de l'article D. 614-1 du code rural et de la pêche maritime. En cas de changement d'exploitant, si l'installation continue sans un agriculteur actif, la durée de l'exploitation ne peut dépasser 18 mois.
En revanche, les installations photovoltaïques sur des bâtiments agricoles ne sont pas considérées comme des installations agrivoltaïques (par exemple les hangars photovoltaïques).
Plus précisément, l’installation doit assurer une production agricole significative ainsi qu’un revenu durable pour l’agriculteur actif ou pour une exploitation agricole à des fins pédagogiques, sous la direction d'un établissement d'enseignement ou de formation professionnelle agricole.
Quels sont les critères de qualification du décret pour les projets d’agrivoltaïsme ?
Le décret agrivoltaïsme de 2024 impose d’autres critères aux installations agrivoltaïques. Pour résumer, la production agricole des installations doit :
- Respecter ces quatre objectifs (l'amélioration du potentiel et de l'impact agronomiques, l'adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas et l'amélioration du bien-être animal)
- Demeurer l’activité principale de la parcelle (surface photovoltaïque limitée)
- Être significative (rendement agricole minimal)
- Générer un revenu durable
- Être réversible
1. Précisions sur les objectifs requis par le décret agrivoltaïsme de 2024
Une installation agrivoltaïque doit apporter directement à la parcelle agricole au moins l'un des objectifs (ou « services ») suivants :
- Amélioration du potentiel et de l'impact agronomiques ;
- Adaptation au changement climatique ;
- Protection contre les aléas ;
- Amélioration du bien-être animal.
Par ailleurs, une installation ne doit pas compromettre l'un de ces quatre services, ou le cas échéant, l'atteinte doit être limitée à deux de ces services.
Ces éléments sont inscrits aux articles R.314-110 et suivants du code de l'énergie.
1. Amélioration du potentiel et de l'impact agronomiques
La structure agrivoltaïque doit améliorer la qualité du sol et augmenter le rendement agricole, si cela n'est pas possible, l’installation doit maintenir le rendement actuel ou au moins ralentir la baisse du rendement observée localement.
De plus, la remise en activité d'un terrain agricole inexploité depuis plus de 5 ans est considérée comme une amélioration du potentiel agronomique des sols.
2. Adaptation au changement climatique
L'installation doit permettre une limitation des effets néfastes du changement climatique soit en :
- Augmentant le rendement agricole, si ce n’est pas possible, en réduisant, voire en gardant le taux de réduction tendanciel observé localement
- Améliorant la qualité de la production agricole
Par ailleurs, les impacts thermiques, hydriques et radiatifs, définis par le décret, sont pris en considération.
3. Protection contre les aléas
Ce service concerne la protection fournie par les modules agrivoltaïques contre au moins un type de risque météorologique ponctuel et externe à la gestion de l'exploitation agricole. Ce risque doit être susceptible de menacer la quantité ou la qualité de la production agricole. En outre, les risques strictement économiques et financiers sont exclus.
4. Amélioration du bien-être animal
Ce service porte sur l'amélioration des conditions de vie et du confort thermique des animaux. Cela peut être démontrable par la réduction des températures dans les zones accessibles aux animaux protégées par des modules photovoltaïques.
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2. La production agricole doit rester l’activité principale de la parcelle
Lexique
Taux de couverture : rapport entre, d'une part, la surface maximale projetée au sol des modules photovoltaïques sur le périmètre et, d'autre part, la surface de la parcelle agricole définie à l'article R. 314-108 (article R. 314-119 du Code de l’énergie).
Dans la mesure où l’agriculture reste l’activité principale du site, le décret limite le taux de couverture à 40 % de la superficie totale pour les installations de plus de 10 MWc (mégawatts crête) ne figurant pas sur la liste des technologies agrivoltaïques éprouvées.
Un arrêté précisera les technologies agrivoltaïques éprouvées, en établissant pour chaque type de technologie le taux de couverture maximal autorisé.
Toutefois, des exceptions sont prévues pour les infrastructures existantes. En effet, si un projet existant prouve qu’il peut fonctionner efficacement avec plus de 40 % de couverture de panneaux solaires sans compromettre l’activité agricole, une certaine souplesse est accordée. En d’autres termes, certains projets peuvent continuer à utiliser une plus grande surface couverte par des panneaux photovoltaïques, tant qu’ils ne n’entravent pas l’activité principale.
LE CHIFFRE HELLIO : 20-25 %
Ce taux est source de débats ; alors que l’INRAE (Institut national de la recherche agronomique) préconise une couverture plutôt située entre 20 et 25 %, certains acteurs de la filière estiment qu'il est adéquat, voire pas assez élevé. (La France agricole)
En outre, deux autres conditions doivent être remplies pour s’assurer que la production agricole reste l’activité principale :
- La superficie qui n'est plus exploitable en raison de l'installation agrivoltaïque ne peut dépasser 10 % de la superficie totale couverte par cette installation ;
- La hauteur de l'installation et l'espacement inter-rangées doivent permettre une exploitation normale, assurant notamment la circulation, la sécurité physique et l'abri des animaux. Dans le cas où les terrains sont mécanisables, l’installation doit également faciliter le passage des engins agricoles.
3. Production agricole significative (rendement agricole)
La production agricole doit être « significative », pour cela, les conditions diffèrent selon le type de production hors élevage/élevage et sur serre.
Installations panneaux solaires photovoltaïques hors élevage
Pour les installations agrivoltaïques hors élevage, la production agricole est considérée comme significative si le rendement moyen par hectare sur la parcelle dépasse 90 % du rendement moyen par hectare sur une zone témoin ou un référentiel équivalent. En d’autres termes, la perte de rendement agricole liée aux panneaux est limitée à 10 %.
Pour des cas spécifiques, le préfet peut autoriser des ajustements sur demande motivée.
L’INFO HELLIO :
L'exploitant devra régulièrement vérifier la cohérence entre :
- Les résultats agronomiques de la parcelle et de la zone témoin
- Les résultats agronomiques et les données historiques disponibles au niveau de l'exploitation agricole et de la petite région agricole ou, à défaut, au niveau départemental
Afin d'assurer une production effective, la zone témoin en question doit :
- Être dépourvue de panneaux et d'ombrage
- Être situé à proximité géographique avec l'installation agrivoltaïque
- Connaître des conditions pédoclimatiques similaires à celles de l'installation
- Être cultivée dans des conditions identiques
- Représenter au moins 5 % de la superficie totale de l'installation agrivoltaïque, avec une limite d’un hectare
Dans plusieurs cas, l’exploitant peut déroger à l'obligation de se référer à la zone témoin :
- Lorsque le taux de couverture est inférieur à 40 % et que l'exploitant démontre qu'il est techniquement impossible de créer une zone témoin. Le préfet de département peut autoriser l'utilisation d'un référentiel local basé sur les résultats agronomiques et les données historiques disponibles.
- Lorsque le taux de couverture est inférieur à 40 % et que l'exploitant prouve l'existence d'une installation agrivoltaïque similaire dans le même département ou région, dotée d'une zone témoin et soumise à des conditions pédoclimatiques comparables.
- Lorsqu’une installation utilise une des technologies agrivoltaïques éprouvées, répertoriées par arrêté ministériel en tenant compte du type de culture ou d’élevage, du procédé technique photovoltaïque utilisé, ainsi que de l’implantation géographique, basée sur les informations fournies notamment par l'Agence de la transition écologique (Ademe).
Installations de panneaux photovoltaïques sur serre
Pour les installations sur serre, les comparaisons sont effectuées en se basant sur un référentiel local, construit à partir des résultats agronomiques et des données historiques disponibles.
Installations sur élevage
Pour ce type d’installation, le caractère significatif de l'activité agricole peut notamment être évaluée en fonction du volume de biomasse fourragère, du taux de chargement ou encore du taux de productivité numérique.
4. Revenu durable provenant des pratiques agricoles
Le revenu issu de l’activité agricole est considéré comme durable lorsque la moyenne des revenus provenant des ventes des productions végétales et animales de l'exploitation après la mise en place de l'installation agrivoltaïque n'est pas inférieure à celle observée avant sa mise en place. Cela doit tenir compte des changements de la situation économique générale et de celle de l'exploitation.
Le préfet peut accepter une diminution plus importante en cas d'événements imprévisibles, sur demande justifiée.
5. Critère de réversibilité
Le critère de réversibilité fait référence à l'application de l'article L. 111-32 du code de l'urbanisme ainsi qu'à l'article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 (loi Climat et résilience). Ces dispositions prévoient que toute installation doit s'aligner sur l'objectif de réaliser le « zéro artificialisation nette des sols » (ZAN).
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Quels sont les critères dédiés au photovoltaïque sur le sol sur terrain naturel, agricole et forestier ?
Les centrales photovoltaïques au sol ne sont possibles que dans des espaces définis par les chambres d’agriculture au travers de documents-cadres :
- Terrains incultes (en friche, broussailleux ou impropre à la culture)
- Terrains non-exploités depuis 10 ans ou plus (avant l'entrée en vigueur de la loi Aper)
- Parcelles réputées propices à l'accueil de tels projets
De plus, un terrain inculte ne peut être inclus dans la catégorie des forêts définies par un arrêté ministériel. C’est-à-dire celles présentant des enjeux significatifs en termes de stockage de carbone, d'exploitation forestière ou de conservation du patrimoine en matière de biodiversité et de paysages.
Ces dispositions permettent de s’assurer qu’aucun terrain récemment cultivé ne pourra être transformé en champ photovoltaïque au sol.
Quelle est la durée autorisée des installations par le décret agrivoltaïsme ?
Les installations (agri-voltaïques et photovoltaïques au sol) sont autorisées pour une période maximale de 40 ans, prorogeable pour 10 ans lorsque leur rendement reste significatif. Dans le cas contraire, le propriétaire de la parcelle doit démanteler l’installation et remettre en état le terrain. Il doit également réutiliser, recycler ou éliminer les déchets de l’installation.
Le propriétaire dispose d’un délai de 1 an à compter de la fin de l'exploitation ou de la date d'échéance de son autorisation. Ce délai peut être étendu jusqu'à trois ans en cas de difficultés matérielles tenant à la topographie du terrain.
Quels contrôles et sanctions ?
Les contrôles et les sanctions diffèrent pour les installations agrivoltaïques et photovoltaïques au sol ainsi que le démantèlement et la remise en état du terrain.
Installations agrivoltaïques
L'installation agrivoltaïque et, le cas échéant, la zone témoin qui lui est associée sont soumises à un contrôle préalable à la mise en service ainsi qu’un contrôle 6 ans après.
L’INFO HELLIO :
Le non-respect des conditions et des contrôles entraînera des sanctions administratives et pécuniaires, ainsi que le démantèlement de l’installation avec remise en état de la parcelle. En cas de fraude, le contrat de rachat de l'électricité peut être suspendu ou résilié.
À la suite de cette 6e année, des contrôles ont lieu régulièrement selon le type d’installation :
- Tous les 5 ans pour celles qui utilisent des technologies éprouvées
- Tous les 3 ans pour celles dont le taux de couverture est inférieur à 40 %
- Tous les ans pour les autres installations
Ces contrôles sont effectués par un organisme scientifique, un institut technique agricole, une chambre d'agriculture ou encore un expert foncier et agricole.
Installations photovoltaïques au sol sur les terrains naturels, agricoles et forestiers (hors agrivoltaïsme)
Les installations photovoltaïques compatibles avec l'exercice d'une activité agricole (hors agrivoltaïsme) sont soumises à un contrôle préalable à leur mise en service puis à un contrôle six ans après l'achèvement des travaux. Ce dernier permet d'assurer le respect des conditions de réversibilité.
Le non-respect des conditions et des contrôles fera également l'objet des sanctions administratives et pécuniaires.
Démantèlement et remise en état (photovoltaïque et agrivoltaïsme)
Les travaux de démantèlement et de remise en état font également l’objet d’un contrôle. En cas de non-respect du délai imparti, l'autorité compétente procède d'office aux travaux nécessaires au démantèlement et à la remise en état du site et fait supporter au propriétaire le coût du dépassement éventuel des travaux.
La contestation du décret de l'agrivoltaïsme
Le déploiement de l’agrivoltaïsme est marqué par des contestations dans les territoires. La Confédération paysanne entend former un recours devant le Conseil d’Etat contre le décret sur l’agrivoltaïsme. Elle estime que la limite de 40% de la couverture imposée est trop importante. La confédération critique également le manque de contrôles effectifs et de sanctions dissuasives.
Enfin, le président de la Région Normandie, Hervé Morin, va également déposer un recours devant le Conseil d’Etat contre le décret sur l’agrivoltaïsme. Il lui reproche de ne pas tenir compte des spécificités économiques et climatiques de chaque région. Par exemple, l’herbe n’est pas soumise à la règle limitant la couverture à 40 % de la surface, faisant craindre une couverture à 100 % de ces surfaces, au détriment de la filière laitière (très présente en Normandie).
Quel est le calendrier des prochaines réglementations ?
De nombreux arrêtés sont encore attendus pour préciser les conditions d’application du décret agrivoltaïsme et conclure le cadre juridique applicable à ces installations, notamment :
- Un arrêté établissant la liste des technologies agrivoltaïques éprouvées selon le type de culture ou d'élevage, de système photovoltaïque employé et de l'implantation géographique ;
- Un arrêté précisant les conditions techniques de mise en œuvre des dispositions du décret sur l'activité agricole significative (soit les critères de rendement agricole) ;
- Des arrêtés préfectoraux pour établir et publier les "documents-cadres" visés à l'article L.111-29 du code de l'urbanisme.
Enfin, des dispositions législatives seront publiées pour adapter les règles du statut du fermage (bail agricole), des dispositions sur le partage de la valeur générée par les projets agrivoltaïques, entre l'exploitant agricole, le producteur d'électricité et le propriétaire du terrain.
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